© Guillaume François

Le 12 janvier 2021, le Conseil National de la Protection de la Nature (CNPN) a examiné le projet de plan national d’actions en faveur du lynx.

Piloté depuis plus de deux ans par les services de l’Etat, ce plan devrait être à terme l’aboutissement d’un travail collectif auquel les associations de protection de la nature du Jura ont largement contribué ; le projet comporte à ce stade trois grands thèmes d’actions :

améliorer les conditions de coexistence du lynx avec les activités humaines ; la chasse et l’élevage mais aussi l’aménagement rural, figurent parmi les sujets prioritaires abordés ;

lever les freins à la survie et à la dispersion du lynx en traitant les causes de mortalité non naturelles et les barrières écologiques aux mouvements des animaux ; l’actualité jurassienne toute récente montre combien le braconnage et les accidents de la circulation sont des sujets à traiter en priorité et avec détermination ;

améliorer les connaissances de l’écologie et du comportement du lynx ; si l’on en sait assez pour commencer à agir en faveur de sa conservation, il reste encore des lacunes à combler, notamment au plan de l’évolution de sa population et des comportements des individus.

Dans son avis, le CNPN relève le manque d’ambition du document et l’insuffisance des actions envisagées. Le financement du plan par les pouvoirs publics, le pilotage des actions, l’amélioration du suivi des populations de lynx, celle des connaissances de son régime alimentaire, l’étude de l’influence des dérangements liés aux activités humaines en lien en particulier avec les pratiques cynégétiques, la gestion et l’amélioration des connectivités et du réseau des aires protégées, sont autant de sujets clés que ces experts recommandent de traiter et/ou d’approfondir.

Le Centre Athenas, le Pôle Grands Prédateurs, Jura Nature Environnement et Nature Jura partagent pleinement ce constat.

Pour Patrice Raydelet, coordonnateur du Pôle Grands Prédateurs, « le lynx est aujourd’hui une espèce emblématique du massif jurassien dans son ensemble, que les locaux, y compris les collectivités locales et les acteurs socio-économiques, se sont appropriés ; lorsqu’il aura été finalisé et adopté dans une forme acceptable pour l’ensemble des acteurs, ce plan sera un outil essentiel au rétablissement de l’espèce dans un état de conservation favorable ; c’est là le but recherché ».

Gilles Moyne, directeur du centre Athenas, constate : « Si une discussion sur les principaux enjeux de conservation de l’espèce a bien été initiée, elle a été biaisée dès le départ par le rejet du principe de renforcement de population et de remplacement des individus braconnés. Il n’a pas été facile pour les associations de protection de la nature de se faire écouter et entendre sur des sujets parfois peu consensuels ; le travail n’est pas encore abouti, c’est très loin de nos attentes, et il y a urgence pour le lynx. Il faut a minima que les observations du CNPN soient prises en compte et que la gouvernance soit plus ouverte et transparente! ».
Selon Jean Christophe Vié, porte-parole du collectif Nature Jura « le CNPN a été clair ; il a refusé de se prononcer sur le document en l’état et émis une série de recommandations concrètes visant à combler ses faiblesses et lacunes actuelles. Deux ans pour un processus de concertation comme celui-ci, ce devrait tout de même suffire. Tarder à conclure ne peut que compromettre encore plus la conservation du lynx et il importe que les derniers points de blocage soient levés rapidement en tenant compte des recommandations constructives du CNPN. ».

« Des divergences d’opinion majeures subsistent entre les acteurs participant au pilotage du projet » rappelle Delphine Durin, chargée de mission au sein de Jura Nature Environnement, représentant local de France Nature Environnement (FNE) ; « à ce stade, l’avis des experts indépendants membres du CNPN doit être entendu si l’on veut un instrument qui soit utile, dépassant les clivages habituels, et ne pas démobiliser le monde associatif de la protection de la nature au risque de laisser l’Etat seul ou presque face à son plan ».

Tous soulignent la nécessité de finaliser au plus vite ce plan dans l’esprit des recommandations du CNPN ; ils appellent les pouvoirs publics à renforcer les mesures de conservation de cette espèce emblématique et menacée aux niveaux français et européen, en concertation avec l’ensemble des acteurs locaux du dossier.